Le théâtre en tant qu’édifice a été inventé pour accueillir les arts sonores et visuels. En grec ancien, le mot theatron signifie « le lieu d’où l’on regarde ». À l’époque impériale, avec le cirque et l’amphithéâtre il fait partie des trois édifices de spectacle caractéristiques des villes dites « romanisées ». Celui d’Arles n’est pas le mieux conservé en France et en Europe, mais ses vestiges, leurs vicissitudes et le rôle qu’il revêt aujourd’hui pour les Arlésiens, bref son Histoire, en font un monument exceptionnel. Le Festival du Film Peplum ne pouvait pas trouver de lieu plus idéal pour ses projections.
Une Histoire édifiante et toujours vivante
Le théâtre antique d’Arles a un peu plus de 2000 ans puisqu’il a été inauguré vers 12 av. J.-C. sous le règne de l’empereur Auguste. Il est situé le long de l’avenue principale de la jeune colonie romaine d’Arelate, le décumanus. Son architecture en totale élévation, c’est-à-dire non adossée à la colline comme l’amphithéâtre construit plus tard à deux pas, démontre une volonté claire de manifester la puissance de l’Empire romain et de son prince.
La cavea, c’est-à-dire les gradins, était composée de 33 rangs divisés physiquement (par des podium) en trois parties de sorte à séparer les spectateurs en fonction de leur statut social (notables, citoyens, esclaves, etc.), chose tout à fait habituelle dans l’Antiquité. C’est quand même un total de 10 000 personnes qui pouvaient s’assoir sur des emplacements de 40 cm pour assister aux représentations, c’est-à-dire l’ensemble de la population arlésienne. Ces gradins reposent sur une série d’arcades agencées sur trois niveaux et de salles composées de voûtes rayonnantes destinées à faciliter l’évacuation de la population après les spectacles : c’est pour cela qu’on les nomme vomitoires (vomitorium).
Contrairement au théâtre grec, chez les Romains l’essentiel se joue sur la scène (scaena) et non plus dans l’orchestra (l’espace en demi-cercle en contre bas des gradins) qui sert désormais d’élément décoratif avec son dallage en marbre coloré. Le bâtiment de scène a donc une importance considérable. Il permettait de cacher les coulisses et les différentes machines liées aux représentations. On trouve en particulier sous le plancher le dispositif du rideau de scène qui, contrairement au système actuel, se présentait verticalement, donc qui s’élevait en direction du ciel pour cacher l’espace scénique. C’est par l’entrée principale et centrale du mur de scène (pulpitum) qu’apparaissaient spontanément les acteurs lors des représentations. Ce mur gigantesque et très richement décoré par une succession de colonnes polychromes (une centaine) à l’image d’un palais luxueux, servait avant tout à garantir le confort acoustique des spectateurs en renvoyant le son vers la cavea. Enfin, et il ne faut surtout pas le négliger, il permettait de donner à voir à l’ensemble des habitants d’Arles la statue héroïsée de leur Empereur qui vivait à Rome (statue colossale conservée au musée départemental de l’Arles Antique) au centre du mur de scène sur lequel étaient également exposées d’autres divinités (voir la célèbre Vénus d’Arles conservée au Louvre).
Quand l’édifice tombe en désuétude au Moyen-Âge les pierres sont récupérées pour construire d’autres bâtiments comme la cathédrale Saint-Trophîme. Mais la réutilisation d’une partie des gradins en tant que fortification (tour de Roland) sauvegarda les vestiges encore debout de nos jours. En 1822, le quartier d’habitation qui s’était installé à l’intérieur est détruit et les grandes fouilles commencent. Les gradins sont restaurés en 1900 pour à nouveau accueillir des spectacles. C’est à ce moment là que sont fondées les fêtes traditionnelles d’Arles à l’initiative de Frédéric Mistral. Et c’est ainsi que les Arlésiens, mais aussi les visiteurs enchantés, ont progressivement renoué avec un édifice qui n’avait été construit que pour eux. Des rendez-vous incontournables ont désormais lieu chaque année dans le théâtre antique d’Arles (les Rencontres Photo, Les Suds, les Escales du Cargo, les fêtes du costume, etc.), dont bien évidemment le Festival du Film Peplum.
Dates clés
- 46 av. J.-C. : fondation de la colonie romaine d’Arles
- 12 av. J.-C. : inauguration du théâtre
- 353 : grande représentation de l’empereur Constance II
- Ve siècle : fortification du théâtre
- XVIIe siècle : redécouverte du théâtre
- 1822 : début des grandes fouilles du théâtre
- 1840 : classement aux Monuments Historiques
- 1900 : grande restauration des gradins
- 1904 : fête de Frédéric Mistral
- 1981 : classement au Patrimoine Mondial
- 1987 : fondation du Festival du Film Peplum
- 2005 : grande campagne de restauration
Chiffres clés
- Gradins antiques de 102 mètres de diamètre
- 33 rangs dans l’Antiquité
- Le théâtre mesure 38 mètres de haut (gradins et mur de scène = tour de Roland aujourd’hui)
- 27 arcades au rez-de-chaussée
- Capacité de 10 000 spectateurs dans l’Antiquité contre 2 500 aujourd’hui
- 239 blocs de gradins conservés
- 36 000 francs-or alloués par l’État en 1856 pour les dernières expropriations
- 5 millions d’euros de travaux en 2005
- Taille de l’écran géant : 17×9 mètres
- Scène : plateforme en bois de 50×6 mètres
Le saviez-vous ?
Dans l’Antiquité, être comédien était une profession considérée comme dégradante et donc placée juridiquement au même niveau que l’esclavage. Pour les pièces les plus prestigieuses, le comédien pouvait se retrouver suspendu à une grue, la machina tractoria, pour descendre du ciel et créer des « effets spéciaux ». Il pouvait aussi disparaître sous la scène grâce à un système de trappes (les scalae orcinae).
L’évergétisme, dont le mot vient du grec εὐεργετέω (« je fais du bien ») désigne un phénomène courant dans l’Antiquité où les notables participent (de leur poche !) à la vie de la cité en échange de quelques privilèges (s’assoir au premier rang ; le nom inscrit sur un monument ; une statue honorifique, etc.). Ces bienfaiteurs financent la plupart des spectacles