Le choc des titans (2010)
A l’issue de la projection et en présence de Christophe Champclaux, spécialiste du cinéma péplum et de Nicolas de Larquier, conservateur du patrimoine au MDAA, nous vous proposons un temps d’échange pour discuter du film lui-même et de la manière dont le mythe de Persée est adapté pour le grand écran.
Infos pratiques
Date et lieu
- Samedi 07 mars 2020 à 18h00
- Musée départemental Arles antique, Presqu'île du Cirque Romain, Arles (localiser)
- Le péplum
à « Arles se livre »
Tarifs
- Gratuit
Animation
- Nicolas de Larquier, conservateur du patrimoine au MDAA
- Christophe Champclaux, spécialiste du cinéma péplum
Projection
- Film diffusé en version française
- Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des jeunes spectateurs.
Le film
Le choc des titans (2010)
Synopsis
Aux premiers temps du monde, les dieux de l’Olympe vainquirent leurs créateurs, les Titans, grâce au Kraken créé par Hadès. Zeus et ses frères se partagèrent le monde. Hadès, trahit par Zeus, fut envoyé dans le monde souterrain.
Quelques années plus tard, Hadès est déterminé à se venger et à faire régner l’enfer sur Terre. Persée, fils de Zeus élevé comme un homme, se porte volontaire pour conduire une mission dangereuse et stopper Hadès dans sa quête du pouvoir. Accompagné par une troupe de valeureux guerriers, il entreprend un dangereux voyage dans les profondeurs des mondes interdits.
A propos
Le Choc des Titans (2010) est le remake du film homonyme de Desmond Davis (1981) lequel avait été admirablement servi par le stop-motion pictures — les effets spéciaux de Ray Harryhausen.
Aujourd’hui, à trente ans d’écart, les trucages infographiques nous convient à tout autre chose. Ainsi, par exemple, la poupée animée image par images du monstrueux Kraken devient, dans le remake, une incroyable silhouette de flammes tourbillonnantes. On est très loin de la pieuvre cauchemardesque, du monstre marin emprunté aux légendes scandinaves.
À ceci près qu’un scénariste de cinéma se doit d’imaginer des liens de cause à effet entre des éléments de mythes qui n’en avaient pas. La version 1981 proposait une adaptation presque fidèle de la légende de Persée. Vainqueur de la Gorgone Méduse, Persée arrachait ensuite la princesse Andromède à la voracité d’un cétos — une créature marine qui, en français, a donné leur nom aux «cétacés», les plus grandes des créatures marines ! Le texte grec en parlait comme d’un cétos mais les scénaristes jugèrent plus spectaculaire d’en faire un kraken, c’est-à-dire un poulpe ou calmar géant cauchemardesque dressé sur ses tentacules menaçantes ! Le légendaire marin raffole de ce type d’anecdotes. Ainsi la princesse troyenne Hésione, victime expiatoire, avait été livrée à un autre cétos mais fut sauvée par Hercule qui passait par là. Délivrée non sans mal, car le héros grec avait été avalé par ce monstre, dont il taillada l’estomac pour retrouver l’air libre. Quantité de héros furent ainsi engloutis, du biblique Jonas victime du Léviathan, à Jason le conquérant de la Toison d’or, qu’une coupe de Cære montre régurgité par un énorme serpent.
Pour Andromède, la scène se passa à Joppé [Jaffa] et l’épisode sera une première mouture de l’épisode chrétien de Saint Georges et le Dragon.
Autre liberté du film 2010, les «Éthiopiens» Céphée et Cassiopée, parents d’Andromède, ne règnent plus à Joppé (Palestine) mais en Grèce, à Argos — histoire de mieux se raccrocher au mythe de Persée, qui en était le prince. Que ne ferait-on pour simplifier la compréhension du pauvre spectateur ?
Le mythe grec de Persée décapitant Méduse afin d’arracher sa mère Danaé aux assiduités du tyran d’Argos, est ici doublé d’une référence à un des fondamentaux de la mythologie grecque : les Titans, ces douze «anciens dieux» nés de Gé (la Terre) et d’Ouranos (le Ciel). Leur cadet, Cronos (le Temps) sera à son tour père des Olympiens Hadès (les Enfers), Poséidon (la mer) et le cadet, Zeus. La fratrie étant complétée par leurs trois sœurs : Héra, Hestia et Déméter, dont le film ne parle pas.
Simplifions. Redoutant de ses enfants un complot — dans le genre de celui qu’il avait lui-même ourdi contre son propre père Ouranos —, Cronos dévorait les siens au fur et à mesure que son épouse Rhéa les mettait au monde. Sauf le dernier, Zeus, auquel sa mère substitua une pierre emmaillotée. À son tour Zeus se révoltera, forçant Cronos à régurgiter ses frères et sœurs. S’ensuivit une guerre entre Titans et Olympiens, la «Titanomachie». Avec l’aide des trois Cyclopes, forgerons de ses foudres, et des trois Hécatonchires, les géants aux cent mains — que leurs cousins les Titans avaient relégués aux Enfers —, la nouvelle génération des «dieux olympiens» triomphera des divinités primordiales dont Hésiode dans sa Théogonie a dressé la généalogie.
Plus tard, une autre guerre opposera les Olympiens aux Géants (Gigans), la «Gigantomachie». La particularité de ce second conflit cosmique fut que les Dieux eurent besoin de l’aide des mortels, notamment Hercule, car ces Géants ne pouvaient tomber que sous les coups conjugués d’un dieu et d’un mortel. Hercule aida Zeus à abattre Porphyrion, et Athéna à tuer Alcyonée. Pour escalader le mont Olympe, Otos et Éphialtès empilèrent le mont Pélion sur le mont Ossa. Athéna ensevelit Encélade sous la Sicile et Poséidon enterra Polybotès sous un fragment de l’île de Cos etc. Mais Typhoeus séquestra Zeus dans une caverne de Cilicie… après lui avoir arraché les tendons des bras et des jambes. Hermès et Pan le retrouvèrent et les lui remirent en place. Ces anecdotes ont inspiré certains détails ou rebondissements de ce Choc des Titans nouvelle version, et de sa séquelle La Colère des Titans (2012). Ainsi, dans le second, Zeus sera enchaîné aux Enfers par Hadès, allié de Cronos (du moins dans le film).
Ce qu’il importe de noter, c’est l’esprit très particulier de cette seconde mouture du Choc… et de sa suite. Dans le générique de La Colère, une voix off en annonce la couleur : créé par eux, «l’Homme en retour entretenait l’immortalité des Dieux par ses prières. Mais au fil du temps l’impatience de l’Homme ne fit que croître. Il commença à remettre les Dieux en question et finalement se révolta contre eux.»
Fils de Zeus, mais abandonné à la fureur de son grand père le roi Acrisios (qui lui aussi redoutait la naissance d’un petit-fils), Persée a été recueilli et élevé par d’humbles pêcheurs, Spyros et Marmara, dont il partage l’aversion pour ces Dieux qui laissent l’Humanité vivoter dans des conditions misérables — et qui, du reste, l’ont abandonné dès sa naissance.
C’est à ce moment que Céphée, le roi d’Argos, lève l’étendard de la révolte contre les Olympiens en faisant abattre la colossale statue de Zeus qui se dressait au bord de la mer. Mais dans l’Olympe, de son côté, Zeus a d’autres soucis. Certes, avec l’aide de ses frères Poséidon et Hadès — mais aussi l’aide de Kraken, une ignée créature d’Hadès — il a vaincu Cronos, que maintenant il retient prisonnier dans le Tartare, aux Enfers. Cependant, lors du fraternel partage de l’Univers, il s’est concédé le monde supérieur — la Mer pour Poséidon et le Ciel pour lui même — reléguant Hadès dans le Souterrain séjour…
Force est de constater qu’en 2010 la païenne Antiquité, même de celluloïd, a vécu ! Mais à lire les titres des journaux, on n’est pas trop certain que le monothéisme ait beaucoup amélioré le sort des pauvres Mortels que nous sommes.